Attention merveille! Alexis Zoumbas est un immense violoniste qui s'inscrit dans une tradition fabuleuse (avis de pur néophyte), celle des musiciens gitans d’Épire au nord de la Grèce. Issu d'une longue dynastie de musiciens des environs de Ioannina, Alexis Zoumbas (1885?-1946) atteignit un niveau exceptionnel qui lui permit de garder son violon sur le devant de la scène en ce début de vingtième siècle alors que les clarinettistes éclipsaient de plus en plus ses homologues moins illustres avec tout leur volume sonore. Musicien réputé dans son pays, Alexis Zoumbas se joignit cependant au grand exode de ses compatriotes vers les États-Unis où il s'installa en 1916. Il enregistra à partir des années 20 plus de 35 titres comme artiste solo et un plus grand nombre encore en accompagnement, la plupart à New-York, pour le plus grand plaisir de la diaspora. Deux compilations ont récemment exhumé ces bandes extraordinaires : la première en 2014, sur le label Long Gone ; la seconde sur Mississippi Records en 2019. Les deux sont extrêmement recommandables.
Elles se recoupent pour ce morceau de 1926, dont il était trop difficile de faire le deuil, on le comprend. Tout est ici d'une virtuosité ébouriffante non sans teinter votre écoute d'une certaine inquiétude.
Laika est le nom générique. C'est un dérivé de laos, "le peuple". On pourrait donc traduire par folk, tout aussi bien que par pop même si aucun ne convient très bien. Variété n'est pas hors sujet vu l'estime très modeste dans laquelle le genre semble être tenu mais on est très loin de l'aseptisation attendue pour une telle appellation sous d'autres latitudes. L'excellent label Radio Martiko vient de consacrer une pléthorique compilation à réhabiliter les successeurs sous-évalués du rebetiko (allez voir ici pour vous procurer l'objet qui est franchement superbe). Dans les 60's, l'orgue farfisa se faufile partout, le bouzouki est électrifié et la musique laiki se trouve pleine d'une énergie acide qui a tout pour satisfaire outre mesure les habitués de la Cellule. Voici deux perles de cette anthologie de grand choix.
Tout d'abord une version locale de la danse du ventre, le tsiftetéli, mais sur les chapeaux de roue, interprétée par le grand as de l'orgue farfisa, Vassilis Vassiliadis (1927–2010)
Vassilis Vassiliadis - TSIFTETELLI 1969
Le second morceau est d'une des grandes figures de la musique grecque passée du rebetiko au laika, Vassilis Tsitsanis (1915–1984) accompagné par la chanteuse Charoula Lambraki. La chanson a une saveur indienne toute particulière. Il est vrai que le cinéma bollywoodien connaît un grand succès dans la Grèce d'après-guerre et que, bien sûr, les passages musicaux omniprésents sont remplacés par des adaptations locales donnant même naissance à un genre spéciale, les chansons indoprepí.
Charoula Lambraki
& Vassilis Tsitsanis -
Andra Mou
Paraponiari
L'abus d'alcool, Lord Beginner, il connaît. Pas besoin de grog sous les Tropiques même à Noël, c'est le rhum qui est à l'origine de tout et la gueule de bois est sévère en ce matin de Noël. La Cellule vous souhaite tout de même d'excellentes fêtes mais n'oublie pas de mettre par avance la pastille adéquate, la pastille calypso, dans votre verre.
Lord Beginner "Christmas morning the rum had me yawning" (1939)
Nous n'avons guère eu le temps en cette nouvelle année bouleversée de garnir notre rubrique du Calendrier de l'Avent. Pour changer les habitudes, nous vous proposons aujourd'hui d'échanger le traditionnel sapin contre les saules d'Europe orientale et de vous réjouir en suivant les toniques suggestions de Pawlo Humeniuk, "le roi du violon ukrainien" (voyez une notice bio ici), qui vous offre en guise de cadeau, et en 3min 18s chrono, un pot-pourri de morceaux endiablés agrémentés des grelots de saison. Nous sommes en 1926 et cela fait déjà plus de vingt ans que Pawlo a quitté les confins de l'Autriche-Hongrie pour venir s'installer à New-York où la diaspora le porte aux nues.
Pawlo Humeniuk "Danse sous les saules (tanec pid werbamy)" (1926)
Yep! Une petite pépite, idéale pour commencer la journée, ce morceau charmant de Bridget St. John qui figure sur la face B d'un single produit par le cher Kevin Ayers. C'est David Allen, le comparse du Soft Machine qui a écrit le morceau. C'est léger comme une plume.
Déconstruction, il n'y a sans doute pas beaucoup de termes plus galvaudés dans le vocabulaire de l'époque où les tics les plus abscons de la philosophie dérident désormais les lèvres des acteurs politiques, grands et petits. Oui, mais si l'on passe de la fumée des théories aux pratiques musicales d'Amérique centrale, les choses changent immédiatement d'allure. Et toutes précautions prises - quelle manie ridicule quand même de prendre ainsi tous les mots avec les pincettes de tes scrupules hors de propos ! renaude le lecteur impatient - je m'autorise enfin à faire l'éloge d'un morceau lunaire résultant d'un merveilleuse déconstruction, repéré à la toute fin d'une compilation de musique garifuna vraiment recommandable (une fondation suédoise est à l'origine de ces excellents enregistrements de 1999). Loin d'être un geste militant, cette déconstruction-là s'enracine dans une tradition musicale très originale, celle des garifunas du Guatemala. J'ai l'impression qu'un morceau bien connu de la musique antillaise (haïtienne peut-être?) est passé à la plus exquise des moulinettes. Sauriez-vous m'aider à retrouver lequel?
De Jursino Cayetano, je connais bien peu de choses, sinon que ce guitariste guatemaltèque appartient à la minorité Garufina, descendant du métissage d'esclaves marrons antillais et de population caraïbe indigène auxquels ils empruntèrent leur langue. Les Garufinas furent déportés par les Anglais à la fin du XVIIIe siècle des îles vers la côte d'Amérique centrale où ils fondèrent de petites communautés tant à Bélize, qu'au Honduras ou au Guatemala. Mais trêve d'ethnographie, plongeons dans ce morceau plein d'émotion où la guitare se combine avec grâce aux rythmes africains, avec des chœurs qui font un peu penser au Super Mama Djombo de l'autre côté de l'Atlantique. Énergie, décontraction et mélancolie se mêlent en un cocktail aussi rare que précieux.
Du gospel au rhythm and blues en passant par le doo-wop, l'itinéraire des '5' Royales empruntent un des itinéraires les mieux balisés de la soul music. Leur veine est cependant plus âpres que d'autres et, James Brown, leur voisin en Caroline, ne manquera pas de s'en inspirer. Un quartet vocal, un guitariste excellent avec un gros zeste de rock and roll, le cocktail est classique mais vraiment fameux (sur l'histoire du groupe voyez par exemple cet article). Aujourd'hui, la Cellule vous propose un concentré d'énergie avec un morceau enregistré pour l'étiquette Home Of The Blues de Memphis en 1961.
Un peu comme un lipogramme mais la contrainte est facile, puisque c'est un mot, un seul qui manque. Oui mas lequel? Le tout développé avec une délicatesse rêveuse bien propre à envelopper votre matinée dans une douce euphorie un peu farceuse.
Petit intermède littéraire sur la Cellule, au moment où je tombe sur d'anciennes notes de lecture qui semblent appeler une immédiate illustration sonore. Le livre en question est L'Amant de Lady Chatterley, grand livre dont l'importance est dissimulée derrière l'ampleur sociologique du "phénomène de société". Comme on sait, pour être un "phénomène de société", un livre (érotique ou non) n'a nul besoin d'être vraiment un bon livre. La preuve avec Emmanuelle pour ne rien dire des je ne sais plus combien de nuances de l'autre... Voilà des livres qui ont pris beaucoup de lumière en dépits de leur qualité toute relative mais qui touchaient une fibre sensible au moment de leur sortie, coïncidence qui tient surtout de la veine! On peut aussi observer l'inverse : d'excellents livres qui n'excitent plus guère l'intérêt parce que leur surexposition même a fini par en cacher la valeur aux lecteurs exigeants. Que pourrait-il y avoir à chercher dans ces bouquins dont on retrouve immanquablement nombre d'exemplaires défraichis sur le moindre étal d'occasion ? Le snob en nous se révolte contre cette mise à niveau qui vous place au même rang que de tant de millions de lecteurs lambda qui ont cru bon eux aussi d'en orner leur bibliothèque...
Pourtant, donc, L'Amant de Lady Chatterley est un excellent livre. Son seul grave défaut, malheureusement tout à fait incurable, est de laisser en plan le lecteur parce qu'il est resté inachevé à la mort de l'auteur. Tout le monde a bien sûr en tête son aspect transgressif en ce qui concerne la sexualité et sa façon de heurter de front les "conventions sociales" sur le sujet. Remarquez que j'ai mis conventions sociales entre guillemets. En écrivant l'expression, j'ai eu la nette impression de manier quelque chose d'extrêmement figé, une coagulation de sens lourde comme un cliché fourré au plomb. Il faudrait creuser pourquoi l'association de mots me gêne comme ça ce matin. Ce sera peut-être pour un autre fois... mais revenons au livre de D.H. Lawrence et sautons cavalièrement par-dessus la question sexuelle, certes parfaitement centrale dans le roman, mais qui n'a échappé à personne. Soulignons d'autres aspects et notamment celui de protestation contre la civilisation industrielle. La question politique qui anime le livre reste le plus souvent sous-jacente mais elle est quelquefois exprimée avec une grande force. Dans le détail, on trouve aussi des analyses très justes comme celle du caractère de lord Chatterley devenu un farouche partisan de l'industrialisation à outrance et qui se définit comme "anarchiste conservateur" (conservative anarchist, dans le texte) en annonçant ainsi de très près le cynisme social de nos actuels libéraux-libertaires (rien à voir en revanche avec "l'anarchiste tory" que Chesterton représente aux yeux d'Orwell ; Orwell qui ne s'est jamais défini de la sorte contrairement à ce qu'une légende a fait croire).
Pour boucler cette notule passablement bavarde, je voudrais placer une longue citation qui n'a rien à voir avec l'industrie ou la politique mais que je trouve bouleversante. Il s'agit d'un dialogue entre Constance "lady" Chatterley, et Mellors, qui vient de devenir son inoubliable "amant" et dont on apprendra progressivement que le passé l'a cruellement éprouvé. Peu après l'amour donc, on lit cet échange :
“ – Vous
ne regrettez rien, n’est-ce pas ? lui demanda-t-il, en marchant à côté d’elle.
– Oh !
non ! non ! Et vous ? dit-elle.
– Pas
ça ! Non ! dit-il.
Puis,
il ajouta, un peu plus tard :
– Mais
il y a tout le reste.
– Quel
reste ? dit-elle.
– Sir Clifford.
Les autres. Toutes les complications.
– Pourquoi
des complications ? dit-elle, déçue.
– C’est
toujours comme ça. Pour moi, comme pour vous. Il y a toujours des complications.
Il
marchait d’un pas ferme dans l’obscurité.
– Et
vous, est-ce que vous regrettez ? dit-elle.
– Dans
un sens ! répondit-il, en regardant le ciel. Je croyais en avoir terminé
avec tout cela. Et voilà que j’ai recommencé.
– Recommencé
quoi ?
– La
vie.
– La vie ! ” (D.H. Lawrence, L’Amant de Lady Chatterley
(1928), Plon, 1980, trad. Pierrette Fleutiaux et Laure Vernière, p. 140-141).
*
Pour l'illustration sonore, deux morceaux s'imposent. L'un est l'inusable "Oops I did it again" de Britney Spears dont Richard Thompson a fait une reprise que je vous recommande chaudement malgré toute les préventions que vous pourriez nourrir (cette note est vraiment d'un snobisme achevé, car quoi de plus snob que de prendre systématiquement à contrepoil celui des autres) :
Le hennissement, d'accord, on conçoit assez facilement que des cuivres bien entraînés puissent l'imiter de près mais le dagadagada du galop, ça c'est vraiment fortiche. Ecoutez donc cet instru des Dexy's Midnight Runners, qui se trouve sur la face B de "There, There My Dear" en 1980 et essayez de ne pas vous laisser désarçonner.
Dexy's Midnight Runners "The Horse" (1980)
PS : "The Horse" est la reprise d'un 45 T de Cliff Nobles. La version de 1968 a des qualités mais à côté du galop décoiffant des britanniques, on dirait qu'elle avance au trot de parade sans jamais oser se débrider. Vous pouvez comparer ici.
Danser le jerk, le twist, le cha cha cha, on voit bien comment faire. Et même le chien, la purée de pomme de terre ("mashed potatoes"), le karaté, le chameau, l'alligator ou le watusi... enfin on peut se fier à son intuition et improviser ou trouver des modèles assez facilement. Mais voici qu'un groupe au nom improbable originaire de Lansing, dans le Michigan (semble-t-il) avec un seul et unique 45T à son actif, The King Louie's Court (la cour du roi Louie, avec un E), vous propose de danser "la colle" : Do The Glue. Et là, on est vraiment curieux, il faut bien l'avouer, de savoir comment vous vous en tireriez.
Aujourd'hui la Cellule célèbre un accordéoniste de très noble extraction puisqu'il s'agit d'un fils du dernier empereur de l'Annam exilé à la Réunion en 1916 : Claude Vinh San (1934-2016). Plutôt que de se chagriner de la perte des fastes de la cour annamite qu'il n'avait du reste jamais connue, le jeune Réunionnais décida de devenir le crac local de l'accordéon ou "ralé poussé" comme on dit là-bas. Son orchestre, le Tropical Jazz (pas plus jazz que l'African Jazz ou que tous les célèbres orchestres africains des années 40 et 50 qui ont aussi utilisé cette étiquette) devint un incontournable des bals créoles faisant rage sur l'île. Séga et chansonnette réunionnaise au menu, mais dans la composition des ces plats indigènes rentrent nombre ingrédients de la sono mondiale de l'après-guerre : musette, tango, bolero, biguine (avec la clarinette), calypso (compétiteur du maloya dans le deuxième morceau ci-dessous) auxquels il fait ajouter bien sûr les percussions réunionnaises qui en sont l'épice la plus originale.
Pour rentrer dans la danse, commençons donc par un peu de musette tropicale sous forte influence de la biguine :
On ne connait vraiment pas grand chose de Duma de Durban. Sur l'unique disque, un 78T daté de 1961, il n'y a guère comme instruments que guitare et batterie mais aussi veaux, vaches, cochons et sinon eux précisément, du moins leurs répondants dans les fermes d'Afrique du Sud. Bref, nous aussi on se prépare doucettement à rentrer à la campagne.
Le groupe eut une brève existence. A peine le temps d'enregistrer un album merveilleux à l'orée des années soixante-dix avant de jeter l'éponge épuisé par les tournées. Il y eut ensuite des reformations mais c'est de ce disque aérien enregistré en deux semaines au mois de février 1971 qu'il s'agit de faire l'apologie. Le trio est composé des guitaristes Lyndon et John Stannard et d'Ann Steuart qui joue du piano ou de la flute. Pour l'album, il s'est adjoint une section rythmique de luxe avec Danny Thompson et Terry Cox qui propulsent leurs harmonies vocales enchantées avec une sûreté absolue. Le résultat est un des albums folk les plus mélodiques que l'on puisse connaître. Rien ne pèse ici. Tout est comme suspendu, en apesanteur, hors du temps. La cellule vous transmet ses sentiments les meilleurs avec la Face A de ce chef d’œuvre passablement méconnu, quintessence de bienveillance joyeuse.
1962, Carol Deene a 18 ans et elle est au sommet de sa météorique carrière. A peine le temps de nous livrer un petit condensé d'euphorie avec "Some People", un twist rythmé au son de l'orgue Calliope et pfuit... l'heure des succès s'est enfuit. Sic transit gloria mundi.
Parmi les milles et unes polémiques dérisoires qui innervent désormais à flux tendu le débat public de notre beau pays, il y eut il y a quelques mois - vous en souvenez-vous encore? - l'épisode de la glottophobie. Les cibles de cette nouvelle phobie passée quasi inaperçue jusque-là auraient été essentiellement les personnages publics originaires du sud-ouest (et du néo-centrisme à tendances autoritaires, mais y a-t-il un lien?), que ce soit Jean-Michel Apathie ou Jean Castex, voire François Bayrou. Cela satisfaisait deux des penchants les plus affirmés de l'époque : la mise en avant de la phobie (de tous les phobiques et de toutes les phobies, soyons inclusifs) comme moteur principal de l'histoire et la revendication universelle de la condition de victime. Si Jean-Michel Apathie peut être considéré comme victime de discrimination, alors oui, c'est un grand pas en avant pour l'humanité car vraiment tout le monde peut revendiquer la chose. D'où libération de la parole maximale, cela va de soi, et ce d'autant plus que la glottophobie, venons-en à la définition, est cette forme de discrimination perverse et systémique visant les accents régionaux. Enfin régionaux cela paraissait aller de soi dans le contexte français, mais depuis l'émergence toute récente d'une parisianophobie repérée par les spécialistes les plus pointus de la phobie - appelons-les phobophilosophes - ne jurons plus de rien, cela peut toucher potentiellement tout le monde du moment où il ouvre la bouche, dernière condition requise. Universalisme maximal, là aussi donc. Voire même œcuménisme.
Mais, à la Cellule, comme vous savez, on ne surfe pas vraiment sur l'actualité... Alors où voulez-vous en venir ? nous demanderez-vous. Et bien voici : v'la-t-y pas que l'accent de François Bayrou mais non pas en français, non - nous portons la chose au carré - celui qu'il utilise quand il parle anglais à sa sauce ; l'accent de François Bayrou, disions-nous, nous venons de le repérer dans quelques productions nigérianes particulièrement goûtues, ce qui nous a immanquablement amené à des considérations sur les relations entretenues (ou pas) par la cuisine linguistique des pidgins anglo-yorouba ou anglo-igbo et la sauce béarnaise, mais soyons sobre et ne remontons pas aux recettes du temps des Plantagenêts et contentons-nous d'ajouter que la trouvaille touchait aussi de près à notre grande marotte du plagiat par anticipation (car c'est indéniable ces Nigérians anticipaient sur les intonations qu'on aurait pu croire si spécifiques de François B.) si bien que nous n'avons pu nous empêcher de vous en toucher deux mots, et ce même si le sujet paraissait franchement glissant en ces temps de poly-susceptibilité exacerbée et conquérante. Dans ces conditions, il nous a aussi paru justifié de prendre quelques précautions oratoires pour bien rappeler le contexte (toujours rappeler le contexte!) et aussi affirmer haut et fort la pureté de nos intentions.
Bref, les morceaux se trouvent sur une mirifique compilation intitulée Money No Be Sand (1960s Afro-lypso, Pidgin Highlife, Afro-Soul and Afro-Rock) avec pour commencer ce fort euphorisant :
On continue avec cette déclaration d'amour hétéroclite que des considérations chronologiques élémentaires interdisent malheureusement d'attribuer à notre cher haut-commissaire au Plan (mais vous aviez peut-être déjà oublié qu'il occupe cette éminente fonction. Et si pourtant!) :
Pepsi-Orlando & His Young Star Band - I Love You So (c. 1972)
Et terminons pas ce twist des bords du Golfe de Guinée qui ne pâlira certes pas de son lointain cousinage avec l'accent angliche de l'édile palois :
Clint Eph. Sebastian & The Junkers - Jane (c.1965)
Anastasios, dit Tassos Chalkias (ou Halkias) (1914-1992) est le roi de la clarinette épirote. La comparaison avec des géants de la musique populaire comme Alice Coltrane ou Mulatu Astake qui accompagne la toute récente réédition du maître n'est pas galvaudée. C'est une grande chose que la musique de Tassos Chalkias! Dans le vaste océan inconnu (de nous) de ses productions, les fins connaisseurs de l'excellent label Radio Martiko viennent de faire réapparaître un ilot magnifique avec ses enregistrements réalisés en 1966-1967 pour un obscur label d'Athènes. C'est absolument sublime!
Écoutez donc, par exemple, cette dance d'Argyrokastro [sis de l'autre côté de la frontière en Albanie, si je ne m'abuse]
Un tour à La Nouvelle-Orléans aujourd'hui avec ce single de Willie West. Le chanteur rejoindra plus tard les Meters mais pour lors, nous sommes en 1970, ce sont les Meters qui viennent le soutenir le temps du petit 45. Allen Toussaint est aux manettes et il a écrit les deux morceaux. Sur la Face A, Fairchild grouve (tiens, pourquoi ne pas franciser?) avec pure classe.
Willie West "Fairchild" (1970)
Sur la face B, un blues dévoile l'autre facette du talent de Willie West.
Grand classique de la dévastation qui s'incruste avec insistance entre mes oreilles ces jours-ci, "I don't Want To Talk About It" de Crazy Horse est un sommet vertigineux que je voulais partager avec vous.
Crazy Horse "I Don't Want To Talk About It" (1972)
PS : En guise d'illustration, un dessin de Amos Bad Heart Bull représentant Crazy Horse pendant la bataille de Little Bighorn
C'est une petite merveille passée presque complètement inaperçue. "Sweet Powder", album que Michael Chapman sortit sur son propre label en 2008, Rural Retreat Records - quel nom ! On y trouve une moitié de compositions nouvelles, quelques standards comme "Hi Heel Sneekers" ou "How Can A Poor Man" et trois classiques folk revisités : une version habitée de "Hang On To A Dream" de Tim Hardin, une autre absolument magnifique de Nick Drake ("Which Will"), ainsi qu'une très belle relecture de son propre "Rabbits Hill". La texture du son, surtout, est étonnante. Le guitariste s'est en effet associé à Alex Warnes qui fait glisser le disque vers des ambiances post-punk rappelant des groupes comme les Cocteau Twins. Boîtes à rythme, minimalisme D.I.Y, on pense aussi aux albums tardifs de Léonard Cohen. Bref, on est perdu dans une brèche temporelle improbable.
"The Prospector" est un des morceaux où le travail d'Alex Warnes est le plus présent :
L'album a été récemment réédité avec un autre très bon disque, "Wrytree Drift" (2010), hommage au regretté Jack Rose. On les trouve là. Et voici une interview relativement récente de Michael Chapman : ici. Pas besoin de vous faire un dessin, j'adore Michael Chapman.
C'est toujours avec le plaisir d'aller pêcher en eaux troubles qu'on fouille dans les albums tardifs des stars des sixties même les plus appréciées, comme ici le grand Ronnie Lane (ex-Small Faces) et Pete Townshend (ex-Who), qui s'associèrent en 1977 pour un album ma foi pas trop mauvais, "Rough Mix", où on trouve cette perle vraiment euphorisante :
Ronnie Lane et Pete Townshend "Misunderstood" (1977)
Le propos vaut le détour. Car tels des héros de la French Theory la plus absconse, Ronnie et Pete ne manquent pas d'ambitions distinguées :
Puissant goût d'épopée aujourd'hui sur la Cellule avec un des chef d’œuvres du Rail Band de Bamako : Duga, lancinant chant de célébration des guerriers issu des plus profondes traditions Malinkés et Bambaras soutenu par une orchestration moderne tutoyant la perfection - mais quel guitariste!
Quoi de plus euphorisant que le premier raï! On se demande bien pourquoi le genre a ensuite été amélioré... Heureusement, certains n'ont jamais hésité à nous replonger dans le bain de jouvence des musiques populaires du temps joyeux des origines. C'est le cas tout particulièrement du producteur Nick Gold qui, avant de se rendre immortel en enregistrant les gloires scandaleusement délaissées du Buena Vista Social Club ou en orchestrant le come-back de l'immense Ali Farka Touré, avait sorti en 1989, un album resplendissant dédié au Père du Raï (un des pères, si l'on veut), le trompettiste Bellemou Messaoud accompagné par le chanteur Cheb Ourad Houarri. Au milieu de ce disque merveilleux , il y a cet hymne au collectif tout prêt à vous faire décoller :
Bellamou Messaoud "Chanson pour lekip" [1989]
Pour faire bonne mesure, ajoutons par exemple ce morceau où l'éclat des cuivres se mêle à l'accordéon sur un rythme absolument imparable :
Cuerpo y Alma, le troisième album sorti en 1984 du grand Eduardo Mateo est un chef d’œuvre plus âpre que ses disques précédents [on vous en parlait là, là et encore là]. La délicatesse du chanteur uruguayen est toujours aussi joliment perchée comme sur Maria, avec son clavier stellaire.
Eduardo Mateo "Maria" (1984)
Mais une veine plus sèche est aussi au rendez-vous cette fois-ci. Comme sur "Carlitos" construit entièrement autour de la basse avec un minimalisme qui rappelle pas mal les Young Marble Giants.
Eduardo Mateo "Carlitos" (1984)
Voici les paroles (qui, entre nous soit dit, mériteraient bien une traduction) :
Se dice que Carlitos tiene Un dulce para ti Mil noches del señor Que mira por el hueco Donde se infiltró un pez Cariñosamente diez Por ser la primera vez
El pez le dijo al hombre mudo Cariño que no puedo más Le dijo de pasear desnudos Por los puentes de la ciudad Le dijo que Carlitos es mundo Con puertas hacia el mar Que un día al despertar Pudo ver la sonrisa De una bonita mujer Cariñosamente diez Por ser la primera vez
Mujer que andas por esta vida Dime si tu no has visto al pez Aquél que por cariños brilla De alguno que ha creído en él Se dice que Carlitos es mundo Con puertas hacia el mar Que un día al despertar Pudo ver la sonrisa De una bonita mujer Cariñosamente diez Por ser la primera vez