mercredi 31 janvier 2018

Vikings All Over The World : un peu de flute sud-africaine (1959)

 
Les Vikings c'est aussi un des premiers groupes de rock'n'roll sud-africain. Nous sommes en 1959 et le Club Pepsi de Johannesbourg enregistre leur disque live, pour se faire de la pub. Les spectateurs n'ont pas l'air très nombreux mais ils sont complètement givrés du groupe. A vrai dire, les Vikings hésitent un peu entre le jazz et le rock, mais ce qui est encore mieux c'est quand ils adoptent un air plus local et sorte la flûte avec Kwaai Kris Kwela.


Une des énigmes liées au groupe concerne la participation (ou non) de Manfred Lubowitz (alias Manfred Mann). Manfred est en effet censé avoir fait partie d'un groupe du nom de The Vikings en Afrique du Sud, avant de gagner l'Angleterre pour fuir l'air vicié de l'apartheid, et s'accrocher avec succès au train de la pop britannique partie à la conquête du monde. Ces Vikings-là sont censés avoir gravé deux disques assez durailles à trouver puisque je n'en ai repéré qu'un. Or justement les notes de pochette dudit disque donnent le nom des membres du groupe et pas de Manfred Lubowitz parmi eux. Alors, bien sûr, il pouvait avoir pris un pseudonyme - c'est assez courant - mais c'est aussi curieux que les discographies de Manfred Mann soient toutes lacunaires sur ce premier groupe sud-af. Il y a peut-être une indice cependant : Manfred Mann est un des rares groupes des sixties à sortir régulièrement, lui aussi, un petit flutiau pour égayer leurs disques. Par exemple sur leur version de Sweet Pea (1967) qui m'a toujours amusé.


En bonus un autre titre parmi mes favoris sans flûte mais plus excité : Hubble Bubble en 1964.


Si quelqu'un en sait plus sur la filiation scandinave de Manfred Mann, qu'il n'hésite pas à contacter nos services...

vendredi 26 janvier 2018

Vikings All Over The World : ambiance viking à la Guadeloupe



Aujourd'hui un groupe récemment remonté à la surface après une longue absence : les Vikings de la Guadeloupe. Bien avant d'être à l'origine de la bombe zouk, les musiciens des Vikings furent un des groupes emblématiques des Antilles à l'époque du tumbélé, ce chaudron magique où se mêlaient les influences afro-cubaines, le groove funk, la vigueur du kompa ou celle des musiques directement venues d'Afrique (rumba congolaise et autres). Le plus efficace dans le genre est peut-être ce titre hautement énergique "Ambiance Vikings" qu'on dit influencé d'un morceau antérieur de l'ivoirien Amédée Pierre (mais je n'ai pas su le trouver). Venez danser le tumbélé créole. Tout le groupe vous sera présenté et de curieuses cornes vous pousseront sur le casque! 




mardi 16 janvier 2018

Vikings All Around The World (8) : le tube des vikings du doo-wop

Les plus célèbres de tous les vikings de la pop music sont sans doute un groupe de doo-wop formés par des chanteurs noirs et blancs, sur une base de la Royal Air Force, près de Pittsburgh, en 1955. D'abord appelés les "4 Deuces", ils changent leur nom prenant la tonalité scandinave de rigueur quand un cinquième élément les rejoint en 1956. En octobre 1956, ils enregistrent leurs premières demos d'où la version initiale de leur grand tube :


Le temps de se faire envoyer paitre par une paire de labels bien installés, d'une audition aux sous-sols de la maison d'un producteur un peu plus aventureux, d'une nouvelle séance d'enregistrement en décembre, et en janvier 1957 le titre sort sur le label Dot et atteint rapidement les sommets des charts :
"Come and Go"


Dès 1957, suite à un accord tordu passé par un de leurs managers, il existent deux groupes avec le même nom, issus de la première mouture des Del-Vikings, sur deux labels concurrents bien sûr. Prolifèrent ensuite les métamorphoses déconcertantes pour les amateurs de discographies bien rangées. Si vous souhaitez un point très sérieux sur cette question décisive, vous pouvez aller voir ce qu'écrit un fan de la première heure, Marv Goldberg qui commence ainsi son papier, sans prétendre vous tromper sur la marchandise : "sous quelque nom que vous les preniez : Del Vikings, Dell Vikings, Del-Vikings, ou Dell-Vikings, tout ce que vous avez à trouver c'est de l'excellent rock'n'roll et l'histoire la plus confuse possible".

samedi 13 janvier 2018

Le martinet de la vérité : de Jean-Léon Gérôme à The Undisputed Truth

Le dernier texte de Frédéric Lordon est intéressant à de nombreux titres, comme bien souvent. Mais, moi, ce qui m'a marqué, au-delà de la pertinence du propos, c'est l'illustration qui a été associée à l'article. Il s'agit d'un tableau du grand pompier en chef, Jean-Léon Gérôme, qui s'intitule : La Vérité sortant du puits armée de son martinet pour châtier l’humanité. Il date de 1896 et est conservé au Musée Anne-de-Beaujeu à Moulins. En Auvergne. Le choix est absolument excellent et, comme en outre, dans ma grande inculture, je ne le connaissais pas, j'ai été ravi de cette découverte. Par ailleurs il colle parfaitement à la situation politique actuelle où les dogmatiques de l'économicisme n'ont de cesse de nous fustiger avec leur idée indiscutable de la vérité.

Le pompier en chef est ici, bien sûr, notre nigaud de président, le fayot des fayots de l'ordo-libéralisme, dont je vous extrais une citation qui n'a pas été assez commentée à mon sens :

"Notre premier devoir est tout à la fois de retrouver le sens et la force d'’un projet ambitieux de transformation de notre pays et de rester arrimés au réel. De ne rien céder au principe de plaisir, aux mots faciles, aux illusions pour regarder en face la réalité de notre pays sous toutes ses formes" (déclaration du 3 juillet 2017, à Versailles).

Or il est bien certain qu'à travers la référence à Freud et au principe de plaisir c'est tout un inconscient politique qui se révèle sous couvert de lucidité. Il y a en effet toute une pédagogie noire, une pédagogie de la douleur, qui est annoncée ici comme un programme. On le sait : l'exaltation para-religieuse d'une monnaie dysfonctionnelle, le renforcement des inégalités comme principe de dynamisme ou le libre-échange comme horizon indépassable de la coopération entre les peuples sont les pierres angulaires de l'orthodoxie du moment. Personne n'a jamais pu montrer qu'il y avait un quelconque aspect pragmatique à ces choix - et  l'expérience milite contre eux avec une évidence cruelle - mais peu importe, ce sont les canons d'une morale obligatoire. Le réel est là! Et accepter ce réel c'est aussi "ne rien céder au principe de plaisir", ce qui peut encore se traduire par : "appliquer avec résolution un principe de sadisme nécessaire". Vous voilà prévenus (si celà vous avez échappé).


Mais venons-en à la partie musicale de ce post qui concerne un groupe soul américain, lui aussi extraordinaire, The Undisputed Truth (sans doute le plus baroque des groupes du label Motown), qui nous rappelle que derrière les visages souriants peuvent se cacher les pensées les plus perverses.

Attention toutefois de ne pas sombrer dans la paranoïa : c'est l'autre lecture possible de cette chanson entêtante. Et nous en avons les preuves...

PS (après l'émission de France Culture du 19 janvier 2018): Selon Frédéric Lordon c'est à Guillaume Barou du Monde diplomatique que l'on doit le choix du tableau de Gérôme.

mercredi 10 janvier 2018

Expérience rayée : William Blake et Fleet Foxes






La Cellule continue de rêver en suivant de dangereuses rayures. C'est William Blake qui prend la parole cette fois-ci :

Tigre, tigre, à l’ardent éclat
au sein des forêts de la nuit,
quel bras, ou quel œil immortel
a pu former ta symétrie ?

Dans quel abîme, ou dans quel ciel,
brûlait la flamme de tes yeux ?
Sur quelles ailes vola-t-il ?
Quelle main prit-elle le feu ?

Quelle épaule, quel art ont pu
tordre les muscles de ton cœur ?
Et quand ton cœur se mit à battre,
quelle main farouche, quel pied ?

Quel fut le marteau ? Quelle chaîne ?
En quel four était ton cerveau ?
Sur quelle enclume ? Et quelle étreinte
en put saisir l’effroi mortel ?

Quand l’étoile jeta sa lance,
et mouilla le ciel de ses pleurs,
devant son œuvre a-t-il souri ?
Le même créa-t-il l’agneau ?

Tigre, tigre, à l’ardent éclat
au sein des forêts de la nuit,
quel bras, ou quel œil immortel
osa former ta symétrie ?


Et le groupe Fleet Foxes qui donne un écho musical avec leur "Tiger Mountain Peasant Song" :


lundi 8 janvier 2018

Fétiche : le Budos Band


 

Excursion fétichiste sur les pentes d'un emblème personnel, la Cellule vous convie aujourd'hui à suivre les pas de Mme de Staël (ou plutôt de Corinne, son héroïne) au bord du Vesuve.


« Le feu du torrent est d'une couleur funèbre ; néanmoins, quand il brûle les vignes ou les arbres, on en voit sortir une flamme claire et brillante ; mais la lave même est sombre, tel qu’on se représente un fleuve d’enfer ; elle roule lentement comme un sable noir de jour, et rouge la nuit. On entend, quand elle approche, un bruit d'étincelles qui fait d'autant plus de peur qu'il est léger, et que la ruse semble se joindre à la force : le tigre royal arrive ainsi secrètement, à pas comptés. »

Et pour vous donner du courage dans cette jungle minérale et incandescente, voici le groove solide entre tous du groupe maison du label Daptone, le Budos Band :
  


samedi 6 janvier 2018

Apnée dans le bayou : Johnny Jenkins (1970)



Cocktail ultra-nutritif aujourd'hui au bar de la Cellule : vous prenez un guitariste légèrement dilettante de Macon, Géorgie, le genre de gars à passer pour une influence majeure de Jimmy Hendrix, un mec qui a lancé le jeune Otis Redding et qui l'a même accompagné jusque dans les studios Stax en 1962, mais sans s'engager plus loin parce qu'il ne souhaitait pas devenir un musicien professionnel ; donc, ce gars, vous le laissez mariner une bonne demi-douzaine d'années sans enregistrement puis vous le repêchez et vous l'entourez de toute la fine fleur des musiciens de studio et autres ingénieurs de première bourre, actifs à Memphis et aux alentours (Duane Allman, Johnny Sandlin, Eddie Hinton - qui fait une courte apparition -, le regretté Rick Hall, Terry Manning, etc.) et alors, vous lui soumettez un standard tout neuf, composé par Dr John, le sorcier du bayou, et voilà ce que ça donne :


Soufflez un peu avec cette reprise néanmoins terriblement habitée de Muddy Waters :


Vous êtes près pour repiquer une tête dans les marais infestés de groove de La Nouvelle-Orléans avec "Sick and Tired" signé par les grands Dave Bartholomew et Chris Kenner :


Sur les trois titres précédents qui sont sur l'album de 1970, Jenkins ne fait que chanter (c'est Duane Allman à la guitare), alors avant de nous quitter je vous propose encore l'instru gravé aux studios Stax en 1964 :


jeudi 4 janvier 2018

Chaud en 1937 : les Harlem Hamfats

1937 l'année était un peu chaude peut-être... les Harlem Hamfats vous suggèrent de laisser tomber tout ce que vous portez de superflu et de vous laisser aller pour un moment. Le lit qu'ils vous ont préparé est si moelleux que vous auriez tort d'hésiter. Rosetta Howard et Joe McCoy dialoguent pour régler les transactions nécessaires mais c'est tout vu!


Et pour les amateurs d'érudition musicale une sucrerie irrésistible avec ce post extraordinairement bien informé qui évoque les sources d'Alberta la chanson de Dylan au premier rang desquelles notre morceau de 1937. Il se trouve sur un blog que je découvre : ...Humming A Diff'rent Tune qui a l'air tout à fait fascinant.

mercredi 3 janvier 2018

Apesanteur : Roy Smeck

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Aujourd'hui la Cellule vous propose un petit tour en apesanteur avec le "sorcier des cordes" : Roy Smeck. Ce garçon qui jouait de tout ce qui se gratouille avait notamment adopté la guitare hawaienne dont il était devenu un adepte sous l'influence du grand Sol Hoopii. "Limehouse blues" est un morceau étincelant de virtuosité avec une petite pincée d'exotisme chinois en intro (et qui n'est pas là par hasard puisque la chanson originale évoque le Chinatown londonien des débuts du XXe siècle). Laissez-vous porter ensuite par le son cristallin et les écarts prodigieux de Roy Smeck. Nous sommes en 1937 mais les arrangements sont nickel.
 
Roy Smeck "Limehouse Blues" (1937)



Si vous voulez en savoir plus sur cette superstar de la scène vaudeville pendant l'entre-deux-guerres et que vous avez un peu de temps devant vous regardez donc ce documentaire émouvant de 1983. Vous y verrez quelques-uns des premiers enregistrements musicaux filmés de l'histoire ainsi que King Benny Nawahi (le guitariste hawaïen!) mais aussi les prouesses toujours étonnantes de Roy à plus de quatre-vingt piges.