jeudi 30 avril 2020

Le 30 avril 1959 : l'unique galette de Ray Ethier (deux instrumentaux qui déménagent)


Le 30 avril 1959, le chanteur Ben Hewitt entre dans les studios Mercury de New York avec son petit groupe pour enregistrer sous la houlette de Clyde Otis. Quatre titres sont rapidement mis sur bande mais comme il reste un peu de temps à la fin de la session, on propose à son guitariste, Ray Ethier, de graver deux excellents instrumentaux qui déménagent et constituent la totalité de sa discographie personnelle. Les deux titres aux noms énigmatiques évoque une "fille en esclavage" et "la marche du président". La Cellule vous plonge dans le rockabilly confidentiel et puissant ce matin en compagnie de ce cousin très méconnu de Link Wray.

Ray Ethier "Slave Girl" (1959)



Ray Ethier "President's Walk" (1959)
 
 






samedi 25 avril 2020

La valse des prénoms mortels : Delia (partie le 25 décembre 1900)


Certains faits divers sont devenus des mythes par le biais de la chanson populaire. Greil Marcus a consacré un fascinant article à l'assassinat de Billy Lions par "Stag" Lee Shelton dans un bar de Saint-Louis, le 25 décembre 1895 et à ses prolongements à travers la musique américaine. C'est un autre 25 décembre, cinq ans plus tard, que la jeune Delia Green, 14 ans, fut assassinée dans le voisinage de Savannah, en Géorgie, par son amant Mouse Houston, à peine plus âgé avec ses 15 ans (pour en savoir plus allez voir ici). 

On ne tarda pas à chanter l'histoire de cette afro-américaine fauchée à la fleur de son âge. Le cheminement du récit tragique fut d'abord sous-terrain et il ne nous en reste nulle trace enregistrée, puis il resurgit cinquabte ans plus tard en donnant naissance à deux traditions distinctes avant de devenir un des standards les plus souvent revisités de la musique populaire américaine.

Une des deux traditions fut d'abord illustrée par le génie local de la douze corde, Blind Willie McTell, qui grava en 1949 une interprétation inoubliable de l'histoire, un des plus incontestables chefs d’œuvre de l'histoire du blues. Dans la tradition McTell, le point-de-vue adopté pour la narration est celui d'un autre amant délaissé par Delia Green.

Blind Willie McTell "Little Delia" (1949)


L'autre tradition donna lieu pour la première fois à un enregistrement la même année en 1949 mais à Nassau cette fois-ci, aux Bahamas, dans une version du genial Blind Blake.

Blind Blake & The Royal Victoria Hotel Calypos "Delia Gone" (1949)


Dans la tradition Blind Blake, le point-de-vue est celui du meurtrier. C'est cette variantes qui a connu le plus de réinterprétations comme celle de Johnny Cash (avec ses deux versions à trente ans d'intervalle)

Johnny Cash "Delia's Gone" (1962)


 Johnny Cash "Delia's Gone" (1994)








mardi 21 avril 2020

Jazz azéri aujourd'hui : Vagif Mustafa Zadeh (1976)


C'est un continent parfaitement inconnu (pour elle) sur lequel la Cellule met un pied aujourd'hui en vous proposant une visite au pays du jazz soviétique. Longtemps interdit, la pratique du genre fut libéralisée dans les années 60, alors que le jeune Vagif Mustafa Zadeh (né en 1940) posait les bases du jazz azéri au bord de la mer Caspienne. Le pianiste de Bakou mêlait au jazz entendu à la radio des genres locaux comme le mugham, ce que nous ne sommes guère en mesure d'apprécier. Ce qui  touche immédiatement en revanche, c'est cet orgue incroyable, en sourdine, qui donnent à ses compositions une tonalité si particulière et rend peut-être mieux que jamais la texture spéciale de l'inquiétude. La Cellule, sans plus mégoter, vous recommande tout l'album de 1976.


 Et si vous voulez en savoir plus, allez donc voir là : un post très généreux.




samedi 18 avril 2020

Teto Landa et Africa Show : sous l'hypnose des claviers angolais


Discogs recense pas moins de quatorze 45 T parus sous l'étiquette N'Gola entre 1973 et 1974. On serait aux anges de pouvoir tous les retrouver (on en est assez loin). Les quelques-uns qui sont sur les diverses compilations consacrées à la musique angolaise sont absolument renversants. Ils ont toutes les qualités de la musique de l'ancienne colonie portugaise, avec en plus des claviers hypnotiques à faire se damner tous les saints de la pop universelle.

Plein de Saudade : Africa Show "Massanga Mama" (1973)


Dans un état second : Teta Lando et Africa Show "Nizambi"


Et le slow tropical ultime : Teta Lando et Africa Show "Muato Wa N'Gingila (Mulher da Rua) (Mulher da Rua)"

 




mercredi 15 avril 2020

Coincés au douzième étage (psychédélisme et déveine) : Power Plant (1968)




Pas de bol! On peut dire que certains n'ont pas de chance. Prenez George Kinney d'Austin, par exemple, Voilà un gars qui aurait dû se faire une jolie réputation par sa contribution à la vie pleine de sève de la scène psyché-garage texane des sixties.

Ami de Roky Erickson, son camarade de classe, un temps dans le même groupe, les Fugitives, à leurs dix-sept ans, George avait suivi l'évolution du groupe le plus aventureux de la région (et de toutes les régions). Le sien, Golden Dawn, se mit aussi à jouer, en 66 un rock cintré et habité, d'une eau très voisine à celle de leurs camarades du 13th Floor Elevator. Evolution ne déparerait certainement pas sur un de leurs disques, avec ses clochettes tirées d'où ne sait quel noël sous acide en place de la divine cruche électrique:

Golden Dawn "Evolution" (1967/1968)


Les choses avaient pourtant commencé à ne pas trop mal se goupiller. Roky Erickson leur avait trouvé un label et, en 1967, ils enregistrent leur seul et unique opus, Power Plant, dix titres bourrés d'énergie dissonante et de théories fumeuses.

Golden Dawn "My Time" (1967/1968)


Le hic, c'est qu'au lieu de sortir immédiatement la galette, le label fait de la rétention et garde le corpus delicti de longs mois dans ses cartons. Quand, Power Plant paraît enfin. Cela fait déjà un an que Easter Everywhere, le disque jumeau du Thirteenth Floor Elevator est sorti. Golden Dawn apparaît alors comme un groupe de suivistes opportunistes. "ça nous a tué! C'est comme dans un scandale sexuel, l'accusation suffit à vous discréditer", se souvient George Kinney (voir son interview ici). C'était injuste, si les Elevators étaient bien les pionniers, Golden Dawn venait juste après. Le groupe ne s'en est pas remis. Il avait pourtant produit au moins une bombe parmi les plus explosives du genre :

Golden Dawn "Starvation" (1967/1968)


George Kinney n'en resta pas moins ami de Roky Erickson, écrivit des romans, puis après la réédition de l'album maudit relança le groupe en 2005, mais c'est une autre histoire. Toute en sourdine.

samedi 11 avril 2020

Splendeurs des musiques lusophones d'Afrique, deux confetti à ne pas oublier : São Tomé e Príncipe


São Tomé e Príncipe constitue un petit archipel, vraiment très peu connu, dans le golfe de Guinée. En français, on devrait les appeler les îles de Saint-Thomas et du Prince, mais la recommandation est désormais plutôt Sao-Tomé-et-Principe, ce qui est linguistiquement assez monstrueux. Ah, cette manie du littéralisme qui prétend être plus respectueuse mais qui produit dans les faits de plus graves distorsions encore. São, par exemple, en portugais ça donne quelque chose d'assez proche de san, [sˈɐ̃w̃] pour être exact. Saint ce n'est pas donc si loin, mais alors sa-ho comme on dit en bon français, quelle horreur!

Mais revenons rapidement à l'histoire et à la géographie, l'île de São Tomé fut découverte le 21 décembre 1471, jour de la Saint-Thomas. Comme Principe, elle était alors inhabitée. Premier territoire en Afrique tropicale à être dominé par des Européens, les deux îles furent le laboratoire de l'affreux système de la plantation esclavagiste qui s'implantera ensuite aux Amériques et un point d'appuis au commerce triangulaire.



Sautons de multiples épisodes pour nous intéresser à la musique santoméenne que le label genevois Bongoe Joe vient de mettre à l'honneur en publiant une excellente compilation "Léve Léve" que l'on vous recommande vivement. La musique populaire prend ici le nom de puxa, on y entend les influences brésiliennes et caraïbes, ainsi que celles des pays africains lusophones (notamment le Cap-Vert et l'Angola) ou non (tout particulièrement le Congo voisin avec ses guitaristes magiques). 

Parmi les groupes de la compilation, Os Úntuès offre un concentré de sautillante énergie ouvert aux influences pop.

 Os Úntuès "Piquina Piquina" [vers 1971]


La compil compte un autre morceau du groupe, "Chi Bô Sá Migu Di Védê", qui a la même efficacité expéditive

Fondé en 1967, le groupe s'était transporté à Lisbonne en 1971 pour enregistrer un EP où figurent les deux titres. Le disque fut curieusement intitulé Folklore des îles de Saint-Thomas et Prince, alors que les morceaux semblent passablement pop mais peu importe. On trouve aussi sur la toile les deux autres morceaux issus de la même session. Le premier, sous influence manifeste des guitaristes congolais, est lui aussi très bien.

 Os Úntuès "Olha Tendê Vê Bê" [vers 1971]


L'autre ne semble pas mauvais du tout mais le son offert sur youtube est franchement pas top.





mardi 7 avril 2020

Chanson pour renaître : Mateo et Trasante

 
Aujourd'hui que le rideau semble tiré momentanément devant le magasin de la vie, la Cellule vous propose une bouleversante chanson d'exorcisme du grand Eduardo Mateo (on vous en a déjà parlé et ). Elle figure sur son album de 1976 réalisé avec Jorge Trasante. Guillaume Contré (grand merci) l'a même traduite pour vous.

Mateo y Trasante - Cancion para renacer (1976)



Chanson pour renaître

Quand le vert de la mousse sera revenu
couvrir le mur dans la pénombre
il me faudra partir avec cette fraîcheur tenue
que j'ai tant attendue et qu’il me faudra t'apporter

Quand mes pieds nus se poseront
là où le soleil a déposé sa chaleur
il me faudra aller de ce pas nouveau
qui se fraie un chemin en quête du vers.

Quand le vent embrassera à nouveau les herbes qui poussent
il me faudra traverser les champs
à la poursuite de ce temps qui m’a emporté

Quand cela sera revenu dans le sang
et que je serai soudain éveillé,
que cela soit comme une fleur du monde
qui ramène des vies depuis la mort



mercredi 1 avril 2020

Twist with the doctor : Calypso Prophylaxie





Afin d'éviter la transmission des virus, certains gestes ne vieillissent pas. Depuis les années 30 et son ïle de la Trinité, The Roaring Lion nous le rappelle : lave tes mains et nettoie bien tes ongles ! Il a vécu jusqu'à 91 ans, on le croira donc sur parole. Pour tousser dans les coudes par contre, c'était pas la mode mais je suis sûr qu'une chanson de coupé décalé est déjà en route pour lancer la danse du Covid-19.