Nous sommes en 1931, cinq ans après le premier enregistrement de ce classique par Blind Lemon Jefferson. Cette fois ce sont les Blue Ridge Mountain Entertainers de Clarence Ashley qui s'y collent. Je ne sais pas qui des quatre (Clarence Ashley, Gwen Foster, Clarence Greene ou Walt Davis) lance les trilles qui fait grimper le morceau à des altitude inconnues, mais je ne peux rien vous proposer de mieux que de suivre pendant trois minutes son vol acrobatique hors du temps.
Blue Ridge Mountain Entertainers - Corinna Corinna (1931)
A première vue la discographie n'est pas facile à se procurer, mais la musique garifuna est extraordinaire comme le destin de ce petit peuple issu du métissage d'indiens Caribes (dont ils ont gardé la langue, du moins dans ses racines) et d'africains amenés dans les parages par la traite dès le XVIIe siècle, qu'ils soient naufragés, esclaves fugitifs ou autres. Déportés par les Anglais en 1797 de l'île de Saint-Vincent à celle de Roatan au Honduras, leurs communautés ont essaimés sur toute la côte est de l'Amérique centrale (Belize, Guatemala, Honduras et Nicaragua). Le morceau qui électrise la Cellule aujourd'hui vient de la petite ville guatemaltèque de Livingston, où le groupe Ibimeni perpétue les traditions musicales garifuna. Le dispositif est minimal : des percussions déchaînées, une trompette lunaire et un chanteur. La coordination de l'ensemble ne va pas de soi mais c'est peut-être pour ça que chagachaga dispose si follement à l'euphorie.
Au début des années 70, le bluesman Luther Johnson, guitariste originaire de Géorgie, qui a brillé avec toute la fine fleur du blues de Chicago, fait une tournée en France. Côté psychotropes, on ne sait pas à quoi il tourne, pas de la gnognote sans doute. Et il semble au moins pris d'hallucinations quand il nous raconte son entrevue avec le "voodoo man" des hauts plateaux, le seul, le vrai : Georges Pompidou, natif de Montboudif. On se pince mais c'est rien moins qu'une rencontre mystique avec le Cantalou présidentiel qu'il évoque dans ce morceau hypnotique qui clôt un album enregistré à Bordeaux le 5 décembre 1972 et sorti trois ans plus tard en 1975. Petit retour de pragmatisme à la toute fin, avec le vœu qu'il s'agit d'exaucer : "Pompidou, des sous! Pompidou, des sous!"
Luther Johnson "Impressions of France"
PS : Merci à Rémy R. pour la trouvaille (Rémy R. qui me presse de préciser qu'il la tenait de Philippe M., ce dernier la devant lui-même à son fils - honneur donc à la jeunesse!).
De toutes les adaptations en français des groupes anglais des 60's, c'est peut-être la meilleure - est-ce que vous la connaissez ? La chanson subtilement traduite par Frank Gérald a gardé toute son mordant ironique. Elle a été enregistrée à Londres : l'orchestration est nickel et Petula Clark se surpasse pour transmettre ce concentré de satire sociale signé Ray Davies au public frenchy. "Il se lève de bonne heure, jamais plus tard que midi..."
Indéniablement, à la maison, c'est "Terrazza Vuota" qui tient la corde. Morceau d'euphorie concentrée aux paroles point trop difficiles à retenir même par un bébé prêt à faire ses premiers pas. Parfait pour transformer les réveils paniqués en moments d'apesanteur.
Ennio Morricone "Terrazza Vuota" (1969)
Le titre est tiré d'une des BO les plus parfaites que l'on connaisse, celle de "Metti, una sera a cena". Classique somptueux qu'on ne résiste pas à coller en son intégralité sous le post :
Dans la catégorie "épigones du post-punk", les Suburbans Lawns représenteraient sans doute très honnêtement la Californie en haut de la seconde division... Comme souvent pour ce genre de groupe, au milieu du tout-venant, on trouve cependant quelques perles de première bourre qui justifient amplement le détour, comme leur "hit" brillamment cintré, Janitor qui joue sur la parenté phonétique entre concierge "janitor" et "genitals" ou cette pépite, Unable, qui pousse le minimalisme vraiment loin.
The Suburbians Lawns "Unable" (1980)
La chanson elle-même, absolument excellente, est à peine plus longue qu'un morceau de Wire, mais c'est le thème du morceau qui est excitant. C'est une injonction typiquement contemporaine que de ne pas se laisser envahir par les objets et de tout réduire au minimum de place, alors pourquoi ne pas faire de même avec les sentiments et l'amour, par exemple, oui pourquoi ne pas le placer dans une toute petite valise la moins encombrante possible? Un pur concentré d'anti-sentimentalisme dada punk d'1mn34 dont voici les paroles :
I can't bag-ah your love No, no, no I can't bag-ah your love No, no, no I can't bag-ah your love No, no, no
Put it in a bag Put it in a bag Squeeze it 'til you sag Baby in a bag Baby in a bag
'Cause I don't have any sacks that are strong enough And I don't have any liners that are long enough And I don't have any baggies that are big enough To bag your love No, no, no
I can't bag-ah your love No, no, no I can't bag-ah your love No, no, no I can't bag-ah your love No, no, no
Put it in a bag Put it in a bag Squeeze it 'til you sag Baby in a bag Baby in a bag
'Cause I don't have any sacks that are strong enough And I don't have any liners that are long enough And I don't have any baggies that are big enough To bag your love No, no, no, no, no, no, no, no
Non, l'accordéon n'est pas l'instrument emblématique des Swinging Sixties, mais à l'occasion on le retrouve tout de même niché dans quelques morceaux excellents qui intègrent une bonne part de nostalgie, comme bien sûr :
The Kinks - Sitting By The Riverside (1968)
Ou, un peu plus tard, Ronnie Lane au meilleur de sa période avec Slim Chance et Charlie Hart à l'accordéon, en 1974 :