mercredi 15 mai 2024

L'art du kantélé des Caréliens de Tver

 

C'est un minuscule îlot culturel et linguistique que la Cellule vous invite à visiter aujourd'hui : celui que représente les Caréliens installés dans la région de Tver (entre Moscou et Saint-Pétersbourg) depuis le XVIIe siècle (ils fuyaient alors l'invasion suédoise et les conversions au luthérianisme qu'elle impliquait). Ces Caréliens qui furent jusqu'à 150 000 au siècle dernier ne sont plus qu'une quinzaine de milliers à avoir conservé l'usage de la langue, proche cousine du finnois. Nos guides seront les gens de l'étiquette moldave, Antonovka Records dont le catalogue ouvre de merveilleux horizons aux oreilles avides de découvertes. En 2019, ils ont parcouru les villages de la région de Tver à la recherche des particularités musicales de cette petite minorité carélienne en cours d'absorption. En 2020, il en ont fait un très beau disque.

L'instrument phare de ce voyage est le merveilleux kantélé (dont nous avons déjà parlé ici). Les migrants du XVIIe siècle ne l'avaient pas emporté avec eux (pas sûr qu'il existât à l'époque) mais leurs descendants ne l'ont pas moins adopté à l'exemple de leurs cousins de la péninsule scandinave.

Deux morceaux interprétés par les adolescentes de l'ensemble Vihmane pour commencer. Le premier pour célébrer un mariage, le second intitulé les "cloches de Konevets".

Ensemble Vihmane "Suad'ban vir​ž​i" (2019)


 Ensemble Vihmane "Konevitsan kirkonvellot" (2019)
 

Sur le troisième morceau, toujours le même ensemble juvénile de kantélés mais avec une partie chantée.
 
 Ensemble Vihmane "Šano, šano, varane" (2019)
 

Un virtuose du kantélé plus chevronné du nom de Kegri pour prolonger l"exploration, avec une autre version des "Cloches de Konevets", le monastère sur l'île du lac Ladoga, d'où sont originaires les Caréliens de Tver.
 
Kegri "Konevitsan kirkonvellot" (2019)
 

Puis, un morceau pour danser - essayez donc... Danse stellaire sans doute.
 
Kegri "Karielan tanca n°1" (2019)
 

Il y a quelque chose de merveilleusement libéré de la pesanteur dans cette musique, qui peut faire penser aux compositions de Virginia Astley, par exemple. Écoutez ce morceau dédié à la "pureté du matin".

Kegri "Houmne​š​puhtahuš" (2019)


Et pour conclure notre excursion, une version express et a capella de l'Internationale en carélien de Tver. Je suis sûr que vous ne la connaissiez pas.

Viktor Kozlov "Internacionala" (2019)










 




mardi 7 mai 2024

Le cœur désolé de l'ouvrier immigré : Pedro Valente (1953)



Oh que la vie est triste,

Quelle triste vie que celle du manœuvre [parti en immigration]

Oh, quelle déception, quelle désolation!

Loin des parents,

De ta fiancée et des amis, 

Ça donne envie de pleurer, rien que de te souvenir

Tous les déchirements de la condition immigrée se retrouvent dans cette chanson du "bracero", le manœuvre, parti du Mexique pour tenter sa chance aux États-Unis et qui se retrouve blackboulé d'un état à l'autre dans une quête sans issue. Guitare hawaïenne, mariachi, yodel pour conclure sont les ingrédients musicaux de cette bourlingue désolée et conduisent le mélodrame à son apogée. Nous sommes en 1953 et le grand acteur, Pedro Infante, vient de graver un de ses morceaux les plus célèbres.

Pedro Valente con Mariachi Guadalajara  - Canto del Bracero (1953)

 


 






samedi 4 mai 2024

Bien des choses de la part de Moacir Santos (1965)

 

Le premier morceau s'intitule "Chose n°4", le deuxième, "Chose n° 10", le troisième , "Chose n° 5", et ainsi de suite dix fois, dans le plus parfait désordre, jusqu'à "Chose n° 8" : des pans entiers de la Musique Populaire Brésilienne défilent à vos oreilles, qui n'en croient pas leurs yeux. Nous sommes en 1965, Moacir Santos vient d'enregistrer à quarante-et-un ans le premier album sous son nom, un des disques de jazz les plus jubilatoires, les plus aboutis et les plus variés de la décennie que la Cellule vous suggère d'écouter dans son intégralité sans rien perdre de ce grand classique.

Moacir Santos "Coisas" (1965)