lundi 18 mai 2020

Quand Link Wray dévoie un chanteur de gospel : la météorique carrière de Bunker Hill


Certains des disques les plus frappants dans l'histoire du rock'n'roll ont été créés par des inconnus plus ou moins parfaits. David Walker fut un de ces artistes séminaux dont l'existence reste fort obscure alors que leurs disques illuminent les compilations sur lesquels ils figurent. Né en 1931, David Walker partagea d'abord son temps entre la boxe et le gospel. Il entra dans les Mighty Mighty Clouds Of Joy un des groupes fameux de Los Angeles où son timbre rauque faisait merveille comme vous pouvez l'entendre ici :

Mighty Mighty Clouds of Joy "Jesus Lead Us Safely" (1960)


Comme Sam Cooke, la tentation de s'illustrer dans le versant profane de la musique vint titiller le jeune homme. Nul monument de douceur à l'horizon pour autant car c'est avec le guitariste Link Wray que l'accord se noua. C'est le côté le plus rêche du gospel qui serait lâché cette fois dans le monde. Personne ne sait pourquoi David Walker choisit le nom d'une bataille de la guerre d'Indépendance pour lancer sa carrière rock'n'roll mais l'on sait que ce pseudonyme devait dissimuler sa trahison dans le monde du gospel. La première galette sortit sur le label Mala en 1962. Toute la force du gospel était convoquée là pour exhorter l'assistance à se déchaîner sans trêve ni repos sur un rythme binaire des plus primitifs.

 BUNKER HILL -
Hide And Go Seek, Part I / Hide And Go Seek, Part II (1962)


Le second 45 T reprenait les choses où il les avait laissées. C'était au tour du petit chaperon rouge de venir voir le loup sur la piste de danse. Sur la face B, un pur morceau de deep soul rappelait les origines gospel de Bunker Hill.

BUNKER HILL - Red Ridin' Hood and the Wolf (1962)

BUNKER HILL - Nobody Knows (1962)


Puisqu'il était présent dans les studios un jour d'enregistrement de Link Wray, Bunker Hill ne dédaigna pas de faire à l'occasion les chœurs.

LINK WRAY & HIS RAYMEN  - Dancing Party (1963)


1963 vint cependant clore la météorique carrière de Bunker Hill avec deux titres débordant d'énergie,  Sur son dernier 45T, Bunker Hill semble dépasser Little Richards sur son propre terrain. Surchauffe garantie sur la piste avec Link et les Raymen pour assurer les arrières.

BUNKER HILL - The Girl Can't Dance (1963)



BUNKER HILL - You Can't Make Me Doubt My Baby (1963)


Apparemment son échappée du côté du rock'n'roll le plus sauvage n'était pas passée inaperçue aux amateurs de gospel. David Walker put cependant revenir pour un court moment en 1963 avec les Mighty Clouds Of Joy. Il apparaît en effet pour son tout dernier enregistrement sur la face B d'un 45T de ce groupe prolifique.

THE MIGHTY CLOUDS OF JOY - You'll Never Know (1963)


Quoi qu'il en soit l'histoire se termine ici sans que personne ne sache pourquoi David Walker, alias Bunker Hill, déserta les scènes profanes ou sacrées après une déflagration sonore aussi mémorable (vous trouverez sa discographie complète ici et là une enquête biographique admirable, le tout par le journaliste finlandais Peter Hoppula).


PS : La toile : John Trumbull, La Mort du général Warren à la bataille de Bunker Hill, le 17 juin 1775, 1786 (Musée des Beaux-arts de Boston).

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