vendredi 18 septembre 2015

Le raï aroubi ou raï de la campagne (dans la ville de Lyon) : Rabah El Maghnaoui

Je viens de découvrir la formidable anthologie (merci Julie!) consacrée à la profusion de cassettes produites à Lyon par les immigrés maghrébins (1972-1998), réalisée par Péroline Barbet et publiée chez Frémeaux. Trois volumes extraordinaires placés sous le signe du D.I.Y et du low-fi à l'instar des disques indés les plus pointus. Les productions sont sommaires, les morceaux de qualité assez variable avec des pépites magnifiques mais dans un écrin rugueux à souhait. Parmi les multiples artistes ayant écumé les bars ou animé les mariages de la région lyonnaise que font découvrir les trois volumes de la compilation, l'un des plus émouvants est Rabah El Maghnaoui (ou El Maghanoui).


Originaire d'un village au sud-ouest d'Oran près de la frontière marocaine, il mêle le raï d'Oran et les traditions de sa région rurale et invente ce qu'il appelle raï aroubi, ou raï de la campagne (ou country raï si vous trouvez plus moderne de le dire à l'américaine). Arrivé à Lyon en 1978, il adapte sa musique en remplaçant les sonorités des instruments traditionnels (zorna et gasba) par celles de l'accordéon et du synthétiseur qu'il apprend à jouer en autodidacte. Alcool, femmes et nuits blanches mouvementées, la vie de Rabah El Maghnaoui semble passablement dissolue et les morceaux qu'il compose inspirés par son expérience portent la marque de déchirements intenses. "Ses chansons, directes, accablées, prosaïques, improvisées, sont bien celle d'un bluesmen", écrit sa première biographe.

L'homme a réalisé trois cassettes chez Mérabet Editions. Ce que dit Péroline Barbet d'un album déchirant enregistré après un court séjour en prison en 1983 a tout pour en faire un objet mythique (et d'abord parce qu'il s'agit de se mettre en quête de ce graal encore bien caché). 

La compilation Frémeaux compte deux titres. Nous vous proposons le plus tardif qui avec des synthés incroyables et une mélancolie à fleur de peau semble inventer le raï lunaire : Amayna Alik Anti, "Pourquoi m'as-tu trahi?"


Pour compléter ce post, nous avons aussi cherché tout ce qui se trouve sur youtube. Et on ne peut pas dire que ce soit la cohue. La première chanson, "Allamni Laghram" a été placée sur la toile par Place du Pont Productions, autant dire que c'est un bonus de la compilation donnés par ses concepteurs même. Merci! Elle a le même son plus traditionnel que le magnifique morceau daté de 85 qui est sur la compil : sont-ils issus tous deux du fameux album imaginé en prison? On se le demande...


Deux autres morceaux semblent sortir en tout cas d'une même cassette avec un son saturé de synthés acides au possible et des intros comme venues de l'espace.


Enfin, le facebook de Place du Pont Production renvoie à un autre enregistrement des débuts.

Voilà, on en est donc à six chansons et avec du pain sur la planche!

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