jeudi 5 juin 2025

Vipère swing au cœur de l'Occup : Jean Ferret et son Sixtette (1943)

 

Paris, le 15 décembre 1943... Gare! La vipère du trottoir de Vincent Scotto vous observe... L'interprétation est celle du Sixtette de Jean "Matelo" Ferret, de la célèbre fratrie. Le vibraphone de Camille Mertens, la clarinette de André Sylvio Sioboud et la guitare de Matelo se relaient et vous gardent à l’œil tandis que la section ryhtmique (René Duchossoir, Marcel Fabre et Jacques Bourgarel) assurent les arrières.

Jean Ferret et son Sixtette "La Vipère du trottoir" (1943)

 


 

mercredi 28 mai 2025

Plus que centenaire : le Nadi Ikhwan Safaa Club de Zanzibar

 

L'histoire commence en 1905. Zanzibar est alors un protectorat britannique faisant face à la colonie allemande d'Afrique de l'Est. Le sultanat de l'île - qui fut un des pires systèmes esclavagistes de l'histoire, entre nous soit dit -  a dû dire adieu à sa pleine indépendance et le pouvoir du sultan n'est plus que l'ombre de celui qu'il avait été dans les mains de ses prédécesseurs. L'esclavage a été aboli. Dans la grande tradition de l'indirect rule britannique, le sultan n'en a pas moins été maintenu, ce qui laisse au huitième d'entre eux, Hali Bin Hamoud (1902-1911) le mérite de fonder, au début du vingtième siècle, un des premiers lieux dédiés à la musique en Afrique subsaharienne : le Nadi Ikhwan Safaa Club. On y célèbre depuis cette date un genre musical, le taarab, qui fut d'abord pur produit d'importation en provenance d’Égypte à la fin du XIXe siècle avant de s'acclimater merveilleusement dans le creuset culturel swahili où se mêlent les influences bantoues, arabes, perses, européennes et indiennes depuis des siècles (les relations avec le Moyen-Orient sont antérieures ici à l'ère chrétienne). Deux guerres mondiales plus tard, l'indépendance et ses soubresauts, puis l'union avec le Tanganyka dans le cadre de la nouvelle Tanzanie, une dictature prétendument marxiste, puis encore d'autres épisodes trop longs à raconter n'y changent rien : le club est toujours là et on y produit une des musiques les plus envoutantes qui soit.

Deux CD ont été consacrés aux merveilles de l'Ikhwan Safaa Club. Il y en a un dans chacune des deux séries de rééditions thématiques dédiées au taarab, toutes les deux très recommandables. La série Zanzibara s'ouvre précisément par un disque célébrant le centenaire du club. On y trouve ce fabuleux morceau.

"Pendo Kitu Cha Hiyari" (2005)


Dans l'autre série "The Music of Zanzibar", c'est sur le volume 2 qu'on retrouve les enregistrements des musiciens du club. La session organisée par l'équipe GlobeStyle eut lieu en 1988, c'était la première organisée avec des moyens un peu sophistiqués sur l'île-même. Écoutez donc cette autre merveille :

"Nipepee" (1988)


 

 

 

 

 

jeudi 22 mai 2025

Ma vie sans moi (18) : James Yorkston (2023)

 

James Yorkston a dédié ce morceau à la mémoire de Scott Hutchison, le chanteur du groupe Frightened Rabbit, qui s'est suicidé en 2019 à l'âge de 36 ans. La beauté de cette chanson qui est aussi un geste d'amitié bouleversant laisse pantois. Comment être capable d'accueillir tant de détresse, comment avoir le courage de confier ainsi son cœur au libre ravage de la peine pour payer le prix de cet hommage extraordinaire ?

James Yorkston - A Sweetness in You (2023)


 

lundi 19 mai 2025

Jouer de la guitare hawaiienne presque incognito sur la Frontera (1930?)

 

A la frontière entre le connu et l'inconnu, entre les Estados Unidos mexicanos et les United States of (North) America, quelque part vers 1930, il y a ce disque sur lequel aucune information substantielle n'a filtré. Rien d'autre à se mettre sous la dent que les indications sibyllines que l'on trouve sur la galette.

Un nom avec une initiale seulement : mais qui est ce S. Cortez accompagnés de ses Hawaiinos ? Et qui sont ces hawaiiens à qui il manquent peut-être une lettre, égarés du côté de la Frontera? D'autant que pour un duo de guitares, deux musiciens seraient suffisants...

Pas de date, seuls les numéros de l'étiquette Okeh : N° de catalogue 16283 ; numéro de matrice 400717.

La mélancolie de ces valses mexicano-polynésiennes perdues dans les limbes de l'histoire n'en est pas moins pure merveille :

S. Cortez y sus Hawaiinos - Caperucita

 


 S. Cortez y sus Hawaiinos - Lirios

 


 


mardi 13 mai 2025

1939-1944 : Rêver de la Polynésie pendant la guerre


Nous sommes le 7 décembre 1944, à Londres, la fin de la guerre approche mais Vienne est toujours fermement aux mains des nazis et le restera encore six longs mois. L'ensemble de Felix Mendelssohn et ses Hawaiians Serenaders rêve d'une toute autre Vienne transportée au milieu des îles du Sud au plus loin du vacarme de l'histoire.

Felix Mendelssohn and His Hawaiian Serenaders "Caprice viennois" (1944)

Les racines familiales de Bartholdy Felix Mendelssohn (1911-1952) le rattachait à la Mittel-Europa encore sous le joug allemand. Sa famille venait en effet de Bohême et il était apparenté, du moins le prétendait-il,  avec son homonyme le compositeur classique. Les Mendolssohn s'étaient installés en Angleterre depuis quelques générations et avaient échappés ainsi aux persécutions visant les juifs durant ses années maudites. A partir de 1938, avec ses Serenaders hawaïens, il fit gonfler une bulle d'exotisme au milieu du malheur des temps. Immense succès du reste, les temps en avaient sans doute bien besoin.

Un des premiers clips de l'histoire conserve la mémoire de ces débuts - nous sommes maintenant revenus en 1939 - sous le signe de la nonchalance. Mettez donc, vous aussi, votre costume blanc le plus léger, enfilez un collier à fleur et préparez-vous à affronter les tempêtes qui viennent avec un sourire mélancoliques aux lèvres.

Felix Mendelssohn and His Hawaiian Serenaders "Song Of The Islands" (1939)


Vous trouverez là une grande collection de morceaux de Felix Mendelssohn et ses Serenaders.

 

 

 

mercredi 30 avril 2025

Parfait dans son genre : invincible et invisible, "Keep On Trying" (1968)

 

Ce trio de Los Angeles jouit d'une célébrité vraiment très discrète : invincibilité et invisibilité, pure consonance.  Douze 45T entre 1965 et 1971 tout de même, nous dit Discogs. Celui sorti en 1968 sur l'étiquette Double Shot nous offre pourtant une certaine idée de la perfection dans un sous-genre fort estimé dérivé de la soul soyeuse des Impressions.

The Invincibles "Keep On Tryin'" (1968)


 PS : La chouette chouette de la rue Podskalska (Prague) qui surveille ce post n'est pas plus connue que les invincibles de la cité des anges. Elle mérite de l'être.

 





lundi 31 mars 2025

Pessimisme concentré et antidote provisoire : Jimmy Reed (1954)

 


Parce qu'on sent bien que le processus de dislocation de ce que l'on avait pris l'habitude d'appeler l'Occident va être long et pénible, engloutissant sans doute beaucoup de choses belles et précieuses... Il faut se mettre un peu de courage au cœur, en écoutant, par exemple, le merveilleux Jimmy Reed qui ne perd jamais la pulsation du rythme même dans l'obscurité  : 

Jimmy Reed "Boogie In The Dark" (1954)

 




mardi 18 mars 2025

Timbré : découvrez le groove infernal de l'Estonie soviétique

 

Carte postale inattendue d'une destination que la Cellule n'avait encore jamais visitée : l'Estonie soviétique. Quelques musiciens dont la célébrité n'a jamais dépassé le rideau de fer y déploient durant les 70's une perfection de groove qu'on ne savait pas pouvoir se loger dans la petite république balte.

D'abord, deux groupes, Collage et Apelsin, s'associent pour réanimer une chanson du folklore local avec parfaite classe. Nous sommes en 1977.

Collage & Apelsin " Memme Vaev" (1977)

 

Ensuite un instrumental incroyable de 1973 par l'orchestre de la radio et télévision estonienne ; ç'aurait pu être le générique d'une série trépidante, mais le morceau est resté dans un placard jusqu'à son exhumation il y a deux ans par l'étiquette Funk Embassy.

Eesti TV & Raadio Estraadiorkester - Meie Aeg (1973)

 

Autre inédit impeccable enregistré en 1975 par l'ensemble de Jaan Kumani :

Jaan Kumani Instrumentaalansambel - Mind Veel Ei Ole (1975)

 

Après cette mise en bouche, n'hésitez pas à prolonger votre visite ici chez Funk Embassy, à qui va toute notre gratitude.



 


 

 

 

samedi 25 janvier 2025

78 Tours hawaïens : quelques merveilles déterrées par l'étiquette CANARY RECORDS

 

Le label Canary Records a eu la brillante idée de rassembler un ensemble de morceaux enregistrés par des labels hawaïens indépendants et gravés sur des galettes 78 tours dans l'immédiat l'après-guerre (entre 1945 et 1956). Tout est bon, tout est parfaitement inconnu. Écoutez donc cet échantillon :

Vicki Il & Hooheno Serenaders - Hanauma (1956)


Et filez là en vitesse pour écoutez le reste et soutenir cette généreuse entreprise.



dimanche 19 janvier 2025

Quand la fièvre du rock'n'roll gagne un vétéran de la steel-guitar : Cecil Campbell (1957)

 

Nous sommes en 1957 et une escouade de très jeunes hommes au sex-appeal abrasif est en train de faire flamber depuis au moins trois ans un des plus excitantes épidémies de la musique populaire. Le feu est si vif que quelques vieilles branches de la country s'y laissent prendre. C'est le cas de Cecil Campbell, grand virtuose de la steel guitar et du style hawaïen qui à 46 ans peut passer pour une vénérable antiquité bluegrass. La tentative rock'n'roll de cet as du western swing ne conquit jamais un immense public et Cecil Campbell mit d'ailleurs un terme provisoire à sa carrière l'année suivante, elle n'en laissa pas moins comme trace une petite merveille malicieusement surannée dès sa sortie en 1957. La Cellule est heureuse de vous faire découvrir ce morceau délicieux où crise de la quarantaine et fièvre adolescente se confondent pendant 2 minutes 30.

Cecil Campbell "Rock'n'Roll Fever" (1957)

 


PS : pour en savoir plus sur Cecil Campbell, n'hésitez pas à aller voir là.

vendredi 10 janvier 2025

Accordé à l'accordéon (15) : la virtuosité étourdissante de Medard Ferrero (1932)

 


Monté à Paris depuis Marseille en 1922, Médard Ferrero (1907-1972) est un prodigieux virtuose qui se partage entre le classique (il interprète aussi Liszt, Saint-Saens, Rachmaninoff, Brahms ou Rossini) et le musette. Il deviendra un pédagogue respecté, réputé pour son intransigeance. En 1932, il grave quelques faces parmi les plus étourdissantes de l'accordéon musette. Comment ne pas rester ébaubi par les tours de force du "champion international de l'accordéon" ? On vous en laisse juger :

Médard Ferrero "Mazurka-Fantaisie" (1932)


mardi 7 janvier 2025

Accordé à l'accordéon (14) : Vent et cordes - Gus Viseur et Baro Ferret - Musette et swing manouche en union libre en 1938

 


Nous sommes à Paris le 28 septembre 1938 et le Gus Viseur's Music - c'est le nom de la formation en perfectangliche - est d'attaque pour graver un morceau du genre spécial cosigné par l'accordéoniste belge Gustave-Joseph Viseur (1915-1974) et par Pierre 'Baro' Ferret (1908-1976), guitariste manouche d'origine espagnole, grand. disciple de Django Reinhardt. Derrière Gus et Baro, deux autres guitaristes de la famille de ce dernier, son jeune frère Jean 'Matelo' Ferret et son cousin René 'Challain' Ferret, ainsi que le bassiste de Gus, Maurice 'Momo' Speilleux. Ainsi vent et cordes, musette et jazz manouche (avec un fort parfum d'Espagne) se trouvent réunis pour convoler en union libre et merveilleuse quoiqu'un peu inquiétante aussi.

Gus Viseur's Music "Wind and Strings (Andalousia)" (1938)

 




dimanche 5 janvier 2025

Coup de grâce et pur mimétisme : quand Mink DeVille intreprète une chanson d'Eddie Hinton et Dan Penn (1981)

 

Le morceau est un des sommets du 4e album de Mink DeVille, produit par Jack Nietzche. Il a été écrit à une date indéterminée dans les années 70 par un duo de songwriters ayant tous deux scandaleusement peu enregistré pour leur propre compte après avoir fait les beaux jours des studios de Muscle Shoals, Eddie Hinton et Dan Penn. Est-ce la raison qui a poussé Mink DeVille à en donner une version où l'on croit entendre chanter un hybride de ces deux immenses absents? Écoutez donc :

Mink DeVille "Help Me Make It" (1981)

Et si vous voulez comparer, voici la version du merveilleux Eddie Hinton - une démo de 1980 sortie en 2004 sur la deuxième des indispensables compilations Zane  :

Eddie Hinton "Help Me Make It (Power Of A Woman's Love)" (1980)

Dan Penn n'a pas enregistré le morceau (et d'ailleurs il n'en est pas crédité, c'est Tony Rounce qui révèle cette attribution dans les notes de pochettes de l'excellente compilation consacrée au répertoire d'Eddie Hinton "Cover Me" chez Ace, 2018) mais si vous voulez vous faire une idée de sa voix, voici un échantillon délectable (même s'il faut bien reconnaître que Dan Penn n'est pas un interprète aussi génial qu'Eddie Hinton) :

Dan Penn "Tearjoint" (1973)