Les témoignages sont unanimes : la fin du confinement, ça ne s'est pas passé sans quelques petites perturbations psychologiques. Oui, ce cocon artificiel comme hors du temps, on n'y était pas si mal après la phase d'adaptation initiale. Il va falloir réapprendre à marcher sur le sol prosaïque de la vie quotidienne. Sans vertige. Ou alors non et si on restait dans notre chambre...
C'est bien l'option que suggère l'écoute de "In My Room", cette incroyable ode à la claustrophilie adolescente écrite en 1963 par Brian Wilson et Gary Usher, un des sommets parmi les hits des Beach Boys. Six ans plus tard, Sagittarius, le groupe de Gary Usher se réapproprie le titre sur son deuxième album un peu méconnu. C'est Curt Boettcher qui chante et c'est presque aussi envoutant. Alors : sortir ou pas...
Sagittarius - In My Room (1969)
PS : Source de l'image : Illustrierter Leitfaden der Naturgeschichte des Thierreiches, 1876.
La Cellule vous prend la main aujourd'hui pour vous emmener en promenade au pays de la pop enchantée imaginée par le producteur Curt Boettcher (Millenium, Sagittarius, etc.). Les groupes inventés par Boettcher n'ont souvent qu'une existence toute hypothétique réduite à quelques sessions d'enregistrement quelquefois même recomposées après-coup, mais derrière ces hétéronymes se cachent quelques-uns des perles les plus euphorisantes de la musique californienne. Les paroles sont ici pur prétexte, mais ne vous donnent pas moins le sésame pour revenir à l'age d'or, là où coule le miel et le lait de l'utopie pop.
Summer's Children - Milk and Honey (1966)
Et sur la face B, de ce second et ultime 45T des Summer's Children, vous pouvez découvrir un morceau plein de mélancolie adolescente qui pourrait vous faire penser à une histoire des Shangri-Las produite par Joe Meek. Pure et étrange merveille détachée du temps.
Certains des disques les plus frappants dans l'histoire du rock'n'roll ont été créés par des inconnus plus ou moins parfaits. David Walker fut un de ces artistes séminaux dont l'existence reste fort obscure alors que leurs disques illuminent les compilations sur lesquels ils figurent. Né en 1931, David Walker partagea d'abord son temps entre la boxe et le gospel. Il entra dans les Mighty Mighty Clouds Of Joy un des groupes fameux de Los Angeles où son timbre rauque faisait merveille comme vous pouvez l'entendre ici :
Mighty Mighty Clouds of Joy "Jesus Lead Us Safely" (1960)
Comme Sam Cooke, la tentation de s'illustrer dans le versant profane de la musique vint titiller le jeune homme. Nul monument de douceur à l'horizon pour autant car c'est avec le guitariste Link Wray que l'accord se noua. C'est le côté le plus rêche du gospel qui serait lâché cette fois dans le monde. Personne ne sait pourquoi David Walker choisit le nom d'une bataille de la guerre d'Indépendance pour lancer sa carrière rock'n'roll mais l'on sait que ce pseudonyme devait dissimuler sa trahison dans le monde du gospel. La première galette sortit sur le label Mala en 1962. Toute la force du gospel était convoquée là pour exhorter l'assistance à se déchaîner sans trêve ni repos sur un rythme binaire des plus primitifs.
BUNKER HILL - Hide And Go Seek, Part I / Hide And Go Seek, Part II (1962)
Le second 45 T reprenait les choses où il les avait laissées. C'était au tour du petit chaperon rouge de venir voir le loup sur la piste de danse. Sur la face B, un pur morceau de deep soul rappelait les origines gospel de Bunker Hill.
BUNKER HILL - Red Ridin' Hood and the Wolf (1962)
BUNKER HILL - Nobody Knows (1962)
Puisqu'il était présent dans les studios un jour d'enregistrement de Link Wray, Bunker Hill ne dédaigna pas de faire à l'occasion les chœurs.
LINK WRAY & HIS RAYMEN - Dancing Party (1963)
1963 vint cependant clore la météorique carrière de Bunker Hill avec deux titres débordant d'énergie, Sur son dernier 45T, Bunker Hill semble dépasser Little Richards sur son propre terrain. Surchauffe garantie sur la piste avec Link et les Raymen pour assurer les arrières.
BUNKER HILL - The Girl Can't Dance (1963)
BUNKER HILL - You Can't Make Me Doubt My Baby (1963)
Apparemment son échappée du côté du rock'n'roll le plus sauvage n'était pas passée inaperçue aux amateurs de gospel. David Walker put cependant revenir pour un court moment en 1963 avec les Mighty Clouds Of Joy. Il apparaît en effet pour son tout dernier enregistrement sur la face B d'un 45T de ce groupe prolifique.
THE MIGHTY CLOUDS OF JOY - You'll Never Know (1963)
Quoi qu'il en soit l'histoire se termine ici sans que personne ne sache pourquoi David Walker, alias Bunker Hill, déserta les scènes profanes ou sacrées après une déflagration sonore aussi mémorable (vous trouverez sa discographie complète ici et là une enquête biographique admirable, le tout par le journaliste finlandais Peter Hoppula).
PS : La toile : John Trumbull, La Mort du général Warren à la bataille de Bunker Hill, le 17 juin 1775, 1786 (Musée des Beaux-arts de Boston).
C'est peut-être la plus célèbre des études de Chopin. Tout commence donc dans les années 1830 avec cet inoubliable morceau pour piano :
Un siècle plus tard, fleurissent les adaptations munies de paroles en allemand, en français, etc. Tino Rossi livre une version suivant le motif troubadour des chansons d'aube. "L'ombre s'enfuit. Adieu Beaux rêves..."
Tino Rossi "Tristesse" (1939)
Non moins sentimental, l'uruguayen Edgardo Donato en donne, lui, une saisissante version tango.
Edgardo Donato "La Melodia del Corazon" (1940)
N'oublions pas la version des Quatre barbus qui opèrent un retournement digne des Poésies de Lautréamont (Montevideo quant tu nous tiens!) et transforment, avec le concours de Pierre Dac, la tristesse en chant d'allégresse.
Les Quatre Barbus "Chant d'allégresse" (1960)
"Les hommes sandwich ne se mangent plus entre eux"
Et c'est enfin au tour improbable de Link Wray de pendre la mélodie de Chopin au cou de la guitare la plus sauvage d'Amérique (un peu adoucie pour l'occasion).