Dans certaines circonstances, pleurer, voler, étouffer : est-ce vraiment si différent après tout?
John Martyn "Ways To Cry" (1973)
Dans certaines circonstances, pleurer, voler, étouffer : est-ce vraiment si différent après tout?
John Martyn "Ways To Cry" (1973)
Roscoe Holcomb "Trouble In Mind" (1959)
Si vous êtes tombé dedans pour vous rafraichir les feuilles, difficile de sortir de l'écoute de Reverend Gary Davis. Son jeu de guitare est fascinant. Il y a plein de disques à écouter... Alors après : écoute-t-on une chanson de pur déchirement? Est-ce une interprétation où l'implication émotionnelle relève d'abord du jeu ? Ces larmes sont-elles en simili croco? La question est difficile à trancher et ça n'a jamais empêché de se laisser bouleverser par la délicatesse de la musique...
Reverend Gary Davis "You're Going To Quit Me Baby" (c. 1965)
Le morceau se trouve sur son album de 1959, Pure Religion and Bad Company. Pour un instant, le prêcheur aveugle des rues de Harlem oublie la pure religion pour se rappeler la mauvaise compagnie qu'il fréquentait dans sa jeunesse. Du gospel au blues, le timbre ne change pas et Davis chante les paradis artificiels avec la même douceur intense qu'il déploie pour décrire les félicités de l'Empyrée chrétien. Grand classique, immense chef d’œuvre avec ses paroles cryptés !
Reverend Gary Davis - "Candy Man" (1959)
Nous sommes en 1931, cinq ans après le premier enregistrement de ce classique par Blind Lemon Jefferson. Cette fois ce sont les Blue Ridge Mountain Entertainers de Clarence Ashley qui s'y collent. Je ne sais pas qui des quatre (Clarence Ashley, Gwen Foster, Clarence Greene ou Walt Davis) lance les trilles qui fait grimper le morceau à des altitude inconnues, mais je ne peux rien vous proposer de mieux que de suivre pendant trois minutes son vol acrobatique hors du temps.
Blue Ridge Mountain Entertainers - Corinna Corinna (1931)
A première vue la discographie n'est pas facile à se procurer, mais la musique garifuna est extraordinaire comme le destin de ce petit peuple issu du métissage d'indiens Caribes (dont ils ont gardé la langue, du moins dans ses racines) et d'africains amenés dans les parages par la traite dès le XVIIe siècle, qu'ils soient naufragés, esclaves fugitifs ou autres. Déportés par les Anglais en 1797 de l'île de Saint-Vincent à celle de Roatan au Honduras, leurs communautés ont essaimés sur toute la côte est de l'Amérique centrale (Belize, Guatemala, Honduras et Nicaragua). Le morceau qui électrise la Cellule aujourd'hui vient de la petite ville guatemaltèque de Livingston, où le groupe Ibimeni perpétue les traditions musicales garifuna. Le dispositif est minimal : des percussions déchaînées, une trompette lunaire et un chanteur. La coordination de l'ensemble ne va pas de soi mais c'est peut-être pour ça que chagachaga dispose si follement à l'euphorie.
Grupo Ibimeni - Chagachaga (1990)
Au début des années 70, le bluesman Luther Johnson, guitariste originaire de Géorgie, qui a brillé avec toute la fine fleur du blues de Chicago, fait une tournée en France. Côté psychotropes, on ne sait pas à quoi il tourne, pas de la gnognote sans doute. Et il semble au moins pris d'hallucinations quand il nous raconte son entrevue avec le "voodoo man" des hauts plateaux, le seul, le vrai : Georges Pompidou, natif de Montboudif. On se pince mais c'est rien moins qu'une rencontre mystique avec le Cantalou présidentiel qu'il évoque dans ce morceau hypnotique qui clôt un album enregistré à Bordeaux le 5 décembre 1972 et sorti trois ans plus tard en 1975. Petit retour de pragmatisme à la toute fin, avec le vœu qu'il s'agit d'exaucer : "Pompidou, des sous! Pompidou, des sous!"
Luther Johnson "Impressions of France"
PS : Merci à Rémy R. pour la trouvaille (Rémy R. qui me presse de préciser qu'il la tenait de Philippe M., ce dernier la devant lui-même à son fils - honneur donc à la jeunesse!).