L'histoire commence en 1905. Zanzibar est alors un protectorat britannique faisant face à la colonie allemande d'Afrique de l'Est. Le sultanat de l'île - qui fut un des pires systèmes esclavagistes de l'histoire, entre nous soit dit - a dû dire adieu à sa pleine indépendance et le pouvoir du sultan n'est plus que l'ombre de celui qu'il avait été dans les mains de ses prédécesseurs. L'esclavage a été aboli. Dans la grande tradition de l'indirect rule britannique, le sultan n'en a pas moins été maintenu, ce qui laisse au huitième d'entre eux, Hali Bin Hamoud (1902-1911) le mérite de fonder, au début du vingtième siècle, un des premiers lieux dédiés à la musique en Afrique subsaharienne : le Nadi Ikhwan Safaa Club. On y célèbre depuis cette date un genre musical, le taarab, qui fut d'abord pur produit d'importation en provenance d’Égypte à la fin du XIXe siècle avant de s'acclimater merveilleusement dans le creuset culturel swahili où se mêlent les influences bantoues, arabes, perses, européennes et indiennes depuis des siècles (les relations avec le Moyen-Orient sont antérieures ici à l'ère chrétienne). Deux guerres mondiales plus tard, l'indépendance et ses soubresauts, puis l'union avec le Tanganyka dans le cadre de la nouvelle Tanzanie, une dictature prétendument marxiste, puis encore d'autres épisodes trop longs à raconter n'y changent rien : le club est toujours là et on y produit une des musiques les plus envoutantes qui soit.
Deux CD ont été consacrés aux merveilles de l'Ikhwan Safaa Club. Il y en a un dans chacune des deux séries de rééditions thématiques dédiées au taarab, toutes les deux très recommandables. La série Zanzibara s'ouvre précisément par un disque célébrant le centenaire du club. On y trouve ce fabuleux morceau.
"Pendo Kitu Cha Hiyari" (2005)
Dans l'autre série "The Music of Zanzibar", c'est sur le volume 2 qu'on retrouve les enregistrements des musiciens du club. La session organisée par l'équipe GlobeStyle eut lieu en 1988, c'était la première organisée avec des moyens un peu sophistiqués sur l'île-même. Écoutez donc cette autre merveille :
"Nipepee" (1988)